Chronique
13 mai 2016
Etat des lieux qualité de l’air

Derrière ce soufre dont on souffre moins

photo arnettes martigues edf ponteau 1
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Etudes et mesures ont généré les réglementations à effet positif sur ce polluant majeur, en voie de déclin. Mais dans le panache visible, des polluants pas toujours mesurables continuent à impacter notre santé. Un enjeu majeur.

Nuages noirâtres, nuages jaunâtres…combien de fois la masse gazeuse s’est-elle développée au regard de tous les habitants du littoral marseillais et rhodanien, au cours des années 1980-90 ?

Si le vent n’était pas au rendez-vous, les fumées d’usines s’accumulaient, se densifiaient, à hauteur de nez. Et la pollution des chimistes et pétrochimistes du pourtour de l’étang de Berre s’imposait à tous.

« Ça a sacrément baissé depuis! En moyenne 600 tonnes de dioxyde de soufre par jour dans les années 80, mais 100 en 2015 ». Sébastien Mathiot, référent territorial d’Air PACA pour l’ouest des Bouches-du-Rhône, voit quelques raisons de trouver que mesurer, toutes ces années, a pu être utile.

« La pollution au soufre a été réduite pour deux raisons principales : d’une part la réglementation s’est durcie régulièrement, d’autre part les industriels ont fait des efforts constants. »

Ainsi la raffinerie Esso de Fos-sur-Mer, qui a livré ses résultats environnementaux en mars dernier, a-t-elle divisé par trois ses rejets de dioxyde de soufre entre 2005 et 2015 : 6000 tonnes échappées dans l’atmosphère en 2006, à peine plus de 2000 tonnes l’an passé.

Les émissions soufrées ont été divisées par six en trente ans

Le progrès technologique joue sur ces résultats, comme les choix, parfois radicaux, des industriels. Voici tout juste quatre ans, la centrale électrique EDF de Ponteau, près de Martigues, raccordait avec succès ses turbines à gaz au réseau électrique. La réglementation l’y aurait certes contrainte en 2015. Depuis des décennies, cette usine avait établi sa réputation de grand pollueur. Du jour au lendemain elle devenait un exemple en matière de qualité de l’air.

« Mais dans le panache, certes réduit, de pollution soufrée, se cachent toujours des polluants, parfois très impactants pour la santé, ou qui suscitent la méfiance » relativise Sébastien Mathiot.

C’est le cas d’une kyrielle de composés organiques volatils, tels le benzène, reconnu cancérigène, « dont les concentrations diminuent heureusement sur le pourtour de l’étang de Berre ». Une première campagne de mesures, en 2001, avait montré que ce gaz dangereux était présent autour des usines de Berre et Lavéra. Il l’était d’ailleurs au-delà des valeurs limites annuelles que bornait la réglementation.

Pour faire baisser le niveau de cette pollution, et de quelques autres comme le mercure, le brome, le chrome « non encore réglementés ! » souligne Sébastien Mathiot, les industriels ont « serré les joints ».

Serrer les joints et fermer les vannes pour protéger nos poumons

C’est une image, mais chaque industriel de quelque importance a fait mesurer ses émissions fugitives à la source : des milliers de culasses, joints, vannes qui ponctuent les kilomètres de conduites qui traversent une raffinerie. Puis des équipes ont littéralement resserré ce qui devait l’être.

« Pour autant, nous ne savons pas encore tout mesurer. Pour certains polluants, dangereux pour la santé humaine, nous parlons de picogrammes (un millième de milliardième, Ndlr) par mètre cube ! Le développement de la métrologie est un véritable enjeu d’avenir pour notre santé » Souligne l’ingénieur d’Air PACA.

Il l’est aussi pour que l’Union Européenne, et l’Etat en France, puissent discuter des futures réglementations concernant ces polluants, fugitifs et, au moins pour les appareils de mesure, encore clandestins.