Chronique
28 octobre 2016
Etat des lieux qualité de l’air

500 escales annuelles sans fumées au Port de Marseille

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L’électrification des quais de la Compagnie Méridionale met fin à la pollution de l’air générée par ses trois navires. Une goutte d’eau dans les bassins du Grand Port Maritime de Marseille ? Le salut viendra peut-être d’une solution méditerranéenne mutualisée.

Pour les habitants et les employés du quartier Euroméditerranée, c’est que du bonheur ! Les trois navires de la compagnie La Méridionale ne diffuseront plus les volutes noires qui retombaient sur le quartier. Le Kallisté, le Girolata et le Piana font la navette Marseille-Corse. Une fois de retour au Port de Marseille, ils se brancheront tout simplement sur le secteur. Exit le groupe électrogène qui diffusait une pollution importante.

« On supprime ainsi l’équivalent de 3000 véhicules/jour pour la diffusion de particules fines PM10, et de 65 000 pour les oxydes d’azotes NOx » explique la cellule Communication du Grand Port Maritime de Marseille. Et ce chiffre est à multiplier par les trois navires. Il signe l’impact qu’avaient les 600 000 passagers annuels de ces navettes Corse-Continent, en termes de pollution atmosphérique, désormais évitée.

« Les émissions des navires en escale dans le port contribuent en moyenne à 5 % des particules fines en suspension dans l’atmosphère de Marseille. » rappelle Damien Piga, ingénieur modélisation à Air PACA. Il commente l’étude européenne Apice, qui, de 2010 à 2013, a quantifié l’impact polluant des ports sur leur ville, en Méditerranée : à Marseille, Barcelone, Venise, Gênes et Thessalonique.

« Avec une station de mesure en retrait en ville et une autre près du port, et avec l’aide du Laboratoire de Chimie de Provence (Universités Aix-Marseille), nous avons pu constater que la contribution du Port sur la Ville est plutôt faible. Mais aussi qu’elle impacte, ponctuellement et de manière significative, le voisinage » explique Damien Piga.

Un défi préalable, distinguer la pollution portuaire de celle des autos

Près d’une centaine polluants ont été ainsi mesurés, pour repérer et suivre les quelques traceurs de la pollution des navires à Marseille. « Reconnaissons que, localement, ce n’était pas simple, car le trafic routier peut être intense dans les abords mêmes du port » nuance Damien Piga.

« Faire évoluer la situation n’est pas facile, mais avec La Méridionale nous avions une compagnie prête à améliorer la situation, et qui revient très régulièrement à Marseille » explique Magali Deveze, référente Environnement du GPMM. « Avec des liaisons pendulaires, évidemment, l’investissement consenti laisse espérer une amélioration importante ».

Les quais où s'amarrent les trois navires de La Méridionale sont donc électrifiés. Actuellement le système est en phase d’essais. Dans quelques semaines, les fumées auront disparu, lors des 500 escales annuelles des trois navires. « Mais bruit et vibrations du moteur cesseront aussi » rappelle la Communication du GPMM. Amélioration à tous les étages, donc !

Il en a couté 4,4 M€, dont 1,7 M€ d’aides publiques (Feder, Adème, État, Région), pour cette initiative, prévue par le Plan de Protection de l’Atmosphère des Bouches-du-Rhône. Le GPMM y a investi 1,5 M€ et la Méridionale 2,9 M€.

Mais aller au-delà sera compliqué. « L’idéal serait la mutation des navires au Gaz Naturel Liquide » reconnait Magali Deveze, « mais seuls quelques navires en mer du Nord le feront bientôt. Pour le reste des flottes, ce n’est pas pour tout de suite ! »

Electrifier pour éviter les fumées en Méditerranée

Certes, une fois à quai, la réglementation contraint les navires à utiliser un carburant moins soufré.

Cependant, l’électrification des quais reste une option sérieuse. En particulier pour les navires de croisières qui, de plus en plus, font escale à Marseille. En 2015, ils y ont débarqué un million et demi de passagers. Une croissance de 11%, qui se répétera.

« Il s’agit de véritables villes, aussi leur impact sur la pollution atmosphérique peut-être important » estime Damien Piga.

Mais, pour aller plus loin en termes de mégawatts, il faut que l’infrastructure de transformateurs électriques suive. ERDF pourra, sur place, faire passer le courant, des 63 000 volts d’une ligne haute tension aux 20 000 nécessaires aux utilisateurs. « Nous attendons en fait de connaître précisément les projets d’un utilisateur tel que le GPMM, pour adapter notre offre d’équipement en amont » souligne Jean-Joël Artaud, chargé des relations avec les Grands Comptes d’ERDF.

Le public et les décideurs demanderont sans doute plus aux acteurs portuaires et maritimes suite à une autre étude Européenne, « CAIMANs » (Cruise and passenger ship Air quality Impact Mitigation ActioNs). Cette dernière préconise l’utilisation du gaz naturel par les navires de croisière et les ferries pour améliorer la qualité de l’air dans les villes portuaires et réduire l’exposition des populations qui y résident. De plus, elle estime qu’un grand nombre de navires sont susceptibles de s'amarrer dans plusieurs des cinq ports méditerranéens de l’étude Apice. Alors pourquoi ne pas mutualiser les investissements pour le bien-être de tous ?