Pour le président d’Air PACA, certes la réglementation peut sembler lourde aux entreprises, pendant que les collectivités trouvent trop légères les dotations d’Etat. Cependant dans la coopération tous peuvent trouver moyen d’optimiser leurs politiques pour un air plus sain… et en faire un avantage en termes de développement économique.
Le 4 juillet dernier vous avez brossé les divers enjeux de la qualité de l’air, pour la Journée Régionale de l’Environnement et de la Mer en Paca. Que pouvez-vous en dire ?
Il s’agissait d’un atelier consacré à l’optimisation de l’usage des transports et de l’énergie. Un thème intimement lié à celui de la qualité de l’air, mais on l’oublie trop souvent.
Vous y avez notamment regretté, dites-vous, que « La lutte contre le réchauffement climatique et l’amélioration de la qualité de l’air sont insuffisamment articulées ». Qu’entendiez-vous là ?
La relation entre changement climatique et pollution de l’air semble évidente aux scientifiques dont je suis, et j’aimerais que cette évidence soit mieux partagée. La loi, pourtant promulguée en 1996, avait bien pour nom « Loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie (Laure) », mais cette relation a mis du temps à s’imposer. Nous découvrons toujours plus précisément combien les polluants carbonés, qui constituent un enjeu majeur pour notre santé, ont également des effets importants sur le dérèglement climatique. Récemment, Edouard Bard, Professeur au Collège de France, a organisé un colloque sur les aérosols carbonés au cours duquel les effets aussi bien sur le climat que sur la santé ont été clairement présentés. Nous devons intégrer cette problématique air-santé à nos actions pour le climat.
Une autre de vos suggestions, lors de cet atelier régional, est que la lutte pour un air sain serait moins un coût qu’une opportunité de progrès et de développement économique. Pourriez-vous développer ?
L’idée qu’un air plus sain serait un gain en termes de bien-être n’a pas besoin d’arguments. En revanche, j’affirme que la recherche d’améliorations environnementales dans la qualité des produits que nous utilisons au quotidien est une chance de développement économique. Nous utilisons chez nous nombre de détergents, produits nettoyants, cosmétiques, etc. Nos chimistes s’inquiètent de voir règlements et normes les contraindre au changement. En réalité, ils sont ainsi conduits à prendre une longueur d’avance, et à proposer avant les autres des produits alternatifs, pour lesquels une demande s’exprime, partout dans le monde. C’est également vrai dans le domaine du numérique. Des applications pour smartphone, utiles à tout un chacun, suivent les progrès de la connaissance et de la mesure de l’air, qui elle-même conduit à des modifications réglementaires.
Pour les entreprises, le respect de nouvelles normes, ou la mise au rebut d’articles devenus non conformes, se traduisent pourtant bien d’abord par un coût. Comment transformer celui-ci en investissement d’avenir ?
D’abord nombre de sociétés l’ont déjà compris. Ensuite, pour les aider à ne pas rater le coche, les organismes publics ou semi-publics préoccupés de qualité de l’air ont un rôle de facilitateur à jouer, de communicant. A Air PACA nous considérons ces sociétés comme des partenaires en développement. En croisant nos savoir-faire, en adoptant vis-à-vis d’elles une attitude constructive, nous avons le sentiment d’aider à l’efficacité. Notre but final à tous reste le mieux-être du citoyen. Concrètement, nous avons contribué à créer un « Fab Lab », un lieu ouvert mais très actif, pour que les différents acteurs de la qualité de l’air se rencontrent et imaginent le progrès.
Vous semblez remettre en question également la notion de risque, dans l’atelier sus cité. Un air malsain n’induirait-il pas un risque pour notre santé ?
Ce n’est plus un risque, mais une certitude. La pollution de l’air est avérée, son impact sur la santé certain. A partir de là, le vrai risque c’est que les acteurs publics et privés qui pourraient améliorer la situation ne baissent les bras. C’est une réelle possibilité. Dans un contexte budgétaire contraint, les dotations d’Etat sont très difficilement maintenues à niveau, la redéfinition des compétences des collectivités conduit les Départements à diminuer leur soutien voire à se désengager des actions en faveur de la qualité de l’air. Et tout le monde considère qu’il y a, à l’heure actuelle, des problèmes plus graves et urgents, comme la sécurité des citoyens qui nécessitent des prises de décisions et des actions rapides. Ces actions ne doivent pas occulter les actions de fond qui nécessitent une concertation suivie entre les différentes directions : Urbanisme, organisation des transports, services publics, espaces verts, sports et loisirs… avec pour objectif de garantir aux citoyens la possibilité de respirer un air sain absolument indispensable à la vie.