Chronique
19 février 2016
Santé, économie et social
Etat des lieux qualité de l’air

Laurence Pascal : « L’air plus sain allongerait bien la durée de vie des Provençaux »

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Cinq millions et demi de décès prématurés seraient causés par la pollution de l’air, de par le monde, chaque année, selon les résultats d’une étude de Health Effects Institutes de Boston, présentée le 13 février. Si les cas de la Chine et de l’Inde sont particulièrement graves, une étude européenne a montré que l’air pollué impacte aussi la durée de vie en Provence. Et une étude française est en cours sur le même sujet. Le point avec la référente Air de l’InVS pour Paca et Corse.

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Docteur Laurence Pascal

Médecin épidémiologiste attachée à l’Institut de Veille Sanitaire à Marseille, vous avez participé à l’étude Aphekom sur la relation air/santé. Quelles en sont les conclusions pour la Provence ?

Aphekom est une étude menée en 2011 sous l’égide de l’Union Européenne. Elle s’est intéressée aux rapports entre pollution atmosphérique et santé. Et en particulier sur l’impact des particules fines. Elle a porté sur 25 villes européennes dont 9 agglomérations françaises, dont celle de Marseille. Ce qu’Aphekom a mis en lumière c’est l’allongement de la durée de vie qui pourrait accompagner une baisse de la pollution atmosphérique.

 

Que représentent ces gains de vie ?

Ils sont variables, selon Aphekom, et pouvant aller jusqu’à 22 mois à Bucarest, très polluée. En France, selon les agglomérations, ce gain va de trois mois à huit mois, comme à Marseille.

Parle-t-on ici de gens malades dont la vie est raccourcie par de forts épisodes de pollution ?

Non, il s’agit bien d’espérance de vie. Il existe des effets à long terme de la pollution atmosphérique. C’est ce qu’Aphekom a étudié. L’étude a conclu qu’un quadragénaire vivant en zone polluée gagnerait plusieurs années de vie avec un air plus sain. Les particules les plus fines mesurables, d’un diamètre de 2,5 millionièmes de gramme, pénètrent profondément dans le système pulmonaire. Chez un enfant dont le système bronchique se forme entre la naissance et ses huit ans, les effets ne sont pas réversibles. Les effets de ces mêmes particules sur le système cardiovasculaire ont une responsabilité dans les angines de poitrine et l’infarctus. Elles bouchent les artères comme le font tabac et cholestérol. Et puis, dans plusieurs pathologies, la pollution est en effet un facteur déclenchant. C’est le cas avec l’asthme.

Premier responsable, l’automobile, mais le chauffage prend sa part

Doit-on considérer que cette pollution atmosphérique touche également tous les habitants de l’agglomération de Marseille ?

L’étude Aphekom ne le dit pas. Ce serait difficile à affiner. En fait les gens bougent durant la journée. Qu’est-ce qui est du à l’air qu’ils respirent dans la rue ? Peut-on distinguer cette pollution de celle qui est respirée à domicile ? Quelle est la part de la tabagie ? C’est une piste pour la recherche. Mais une certitude se dégage. La pollution automobile est importante, peut-être primordiale, dans les effets sur la santé des habitants de Marseille et sa région. Aussi les riverains d’axes routiers importants, ou les automobilistes eux-mêmes sont particulièrement exposés.

La pollution industrielle ou même les chantiers de travaux publics diffusent pourtant eux-mêmes de nombreuses particules.

L’industrie a un impact bien moindre qu’il y a quelques décennies. Les chantiers émettent des particules plus grosses, moins pénétrantes. C’est bien l’auto le premier problème dans les agglomérations. Evidemment les solutions passent par un réseau de transports alternatifs à l’auto, d’autant qu’en ville la majorité des déplacements en auto sont inférieurs à un kilomètre.  Les chauffages ont aussi leur responsabilité, notamment dans l’arrière-pays niçois où le bois est une énergie largement utilisée. Enfin, le brûlage de déchets verts, interdit mais fréquent, a aussi une part.

Au-delà d’Aphekom, que saura-t-on des effets de la pollution de l’air en région Paca ?

Le 23 juin prochain seront publiés les résultats d’une vaste étude de l’Institut national de Veille Sanitaire. Pour ce qui est de la Provence, elle nous informera sur l’impact quantitatif de la pollution de l’air pour six villes et leur région : Aix, Avignon, Marseille, Toulon, Cannes et Nice.