Carburants moins soufrés bientôt, mais augmentation du nombre de navires à quai…Les habitants des quartiers portuaires veulent respirer et s’organisent face aux autorités portuaires. Mais la fée électricité ne pourrait-elle donner ici de sa baguette magique ?
« Nous sommes en relations les uns avec les autres et il existe dans chaque ville-port de méditerranée française une association qui diagnostique le problème de pollution atmosphérique provoqué par les navires » annonce Daniel Moatti, qui y joue un rôle moteur, depuis Nice.
« Nous mettons la dernière main à une Charte des Riverains des Ports de Corse, Occitanie et Paca, que nous soumettrons à toutes les autorités. Nous voulons essentiellement le bannissement des fiouls à 3,5 % et 1,5 % d’émission de soufre des navires et l’utilisation, dès la zone portuaire et dans le port du diesel marin le moins polluant à 0,1 % d’émission de soufre.»
A Nice, jusqu’en juin 2016, ce membre du Conseil syndical de son immeuble « n’y connaissait rien. Mais alors nous avons eu de tels relents de fioul, qu’on ne pouvait plus respirer dehors ». De fil en aiguille une coordination de seize copropriétés niçoises est créée, qui représente 4000 résidents, reçoit le soutien de l’Association Niçoise pour la Qualité de l’Air, et adhère à la Fédération Nature Environnement. Elle réclame essentiellement l’application immédiate d’une ordonnance du 24/12/2015, qui impose aux navires l’utilisation d’un fioul peu soufré, à 0,10%, à quai.
Modéliser la pollution des navires et assurer le suivi dans le temps
A Marseille la situation a évolué, dans le bon sens. « Nous avons été amenés à étudier quelle part de la pollution atmosphérique était due aux cheminées de navires » explique Damien Piga, du service modélisation d’Air PACA.
Mais quel casse-tête de distinguer ce qui est dû à l’industrie et aux cheminées de bateaux ! Il s’agit souvent des mêmes polluants. « Nos appareils mesurent le niveau de pollution, mais ne peuvent dire aisément si telle particule provient d’une usine ou d’un bateau. ». C’est donc une simulation numérique qui en dira plus sur des zones plus étendues.
Pour l’heure, le modèle permet d’informer sur la responsabilité des uns et des autres au niveau d’une ville ; demain ce sera au niveau d’un quartier. « Notre objectif est de multiplier les données relatives à la pollution atmosphérique portuaire, d’affiner en représentant mieux, par exemple, les panaches des fumées de navires, et d’établir un tableau de bord du suivi des rejets dans l’atmosphère » poursuit Damien Piga.
Mieux connaître, partout, la pollution en question ? A Nice, Daniel Moatti y voit un intérêt immédiat. « Nous nous heurtons au discours des autorités portuaires et des chambres de commerce qui gèrent les ports : « si nous dégoûtons les compagnies avec des contraintes elles iront ailleurs » nous répondent-elles ». Alerter sur la réalité de la pollution, permettra aussi de prendre conscience que le problème est partout le même, l’opposition associative aussi.
En 2020 une amélioration coûteuse, l’électricité pourrait ne pas l’être autant
Les associations réclament d’ailleurs une application immédiate de la réglementation portuaire applicable en 2020. A partir du premier janvier de cette année-là, les navires transportant des passagers ne pourront plus que consommer au port un carburant fioul « marin ». Il ne contiendra plus qu’une proportion maximale de soufre de 0,1%, et 0,50% hors zone portuaire. Aujourd’hui, hors port, les navires sont autorisés à consommer un fioul à 3,5% de teneur en soufre, et de 1,5% s’ils transportent des passagers. Toutefois, seuls les navires en provenance ou à destination d’un port de l’Union Européenne, et assurant un service régulier, sont concernés par cette réglementation.
Déjà les navires à quai plus de deux heures doivent utiliser ce fioul « marin » à 0,1% de soufre. « Beaucoup ne restent à quai que le strict nécessaire pour ne pas changer de carburant qui, moins soufré, est aussi plus cher », regrettaient, voici quelques jours, les responsables de FNE en Provence, qui ont décidé de veiller au grain partout. Cet effet pervers de la réglementation actuelle est une des causes des pollutions ressenties dans les quartiers littoraux.
Mais la croissance du trafic ne va-t-elle pas annihiler les effets de la réglementation. A Toulon, la construction d’un quai de 400 m doit permettre d’accueillir les plus grands paquebots au monde. Elle pourrait entrainer la construction d’une nouvelle gare maritime.
La solution pourrait passer par la dotation des ports de portiques électriques. Les navires à quai doivent-ils vraiment continuer à « brûler » leur fioul, si une alternative propre existe ?
« Ils peuvent aussi utiliser du gaz naturel » souligne Damien Piga, « mais l’électrification reste une voie d’avenir pour un air plus sain dans les quartiers portuaires ». A Marseille c’est chose faite depuis quelques mois, sur une partie des quais ; trois navires de la Compagnie Méridionale, volontaire, ont été électrifiés. ERDF avait préalablement installé un transformateur spécial. A Toulon, la Marine Nationale a recours à l’électricité à quai…depuis 1938. « Pourquoi le Port de Nice ne ferait- il pas de même ? » questionne Daniel Moatti.
« C’est possible, le coût n’est pas un argument à nous opposer » soutient-il. A Marseille environ 40% des 4 M€ nécessaires avaient été couverts par des aides publiques, y compris européennes.